Interview : Trois femmes passionnées dans les coulisses du Festival “La Musique fait son Cinéma” de Soisy-sous-Montmorency
09/09/2013 à 00h09Le Festival de Soisy se consacre depuis 2005 à faire connaître la musique de film. En juin dernier, le festival a mis à l’honneur Bruno Coulais, succédant à Antoine Duhamel (2005), Georges Delerue (2007), Francis Lai (2009) et Gabriel Yared (2011). L’UCMF est partenaire de ce festival depuis ses débuts. A ce titre, nous avons souhaité rencontrer les trois femmes qui en sont les responsables :
- Christiane Lardaud (à droite sur la photo) : Adjointe au Maire chargée de la culture
- Laurence Guyot ( à gauche sur la photo) : Coordinatrice du Festival
- Colette Delerue (au milieu sur la photo) : Epouse du compositeur Georges Delerue et Marraine du Festival
Pour commencer, pouvez-vous nous présenter le festival en quelques mots ?
Laurence Guyot : Depuis 2005, la Ville de Soisy-sous-Montmorency, avec le soutien de la communauté d’agglomération de la vallée de Montmorency (CAVAM), du Conseil Général du Val d’Oise, de la SACEM, de l’UCMF ( Union des Compositeurs de films), de la SPEDIDAM et en 2009, de la Commission du Film Ile-de-France mais aussi grâce à l’engagement de nombreux partenaires comme le magasin Le Grand Cercle, Universal , le Cinéma Les Toiles, Radio Enghien, et Cinezik.fr, organise, tous les deux ans, le festival « la Musique fait son Cinéma ». Ce festival, unique en son genre dans le département, met en lumière les compositeurs de musiques de films en proposant des projections de films gratuites en partenariat avec le cinéma « Les Toiles » de Saint-Gratien, des rencontres pédagogiques animées par des spécialistes, une rencontre débat, conduite par Stéphane Lerouge, avec les réalisateurs qui ont travaillé avec eux, et un grand concert de musiques de films d’accès libre et gratuit.
Comment le festival s’est-il lancé en 2005 ?
Christiane Lardaud : Au départ, en 2005, il s’agissait de rendre hommage au compositeur Antoine Duhamel. Nous étions Laurence et moi, pionnières, car il n’était pas aisé dans une commune comme Soisy-sous-Montmorency de sensibiliser le public à la musique, et en particulier à la musique de film. Antoine était un ami du directeur de musique de l’école de musique de Soisy qui a souhaité fêter les 80 ans du compositeur.
L.G : Nous nous sommes dit qu’il était dommage de ne pas célébrer, à l’occasion de ses 80 ans, son travail dans la musique de film, car peu de personnes du grand public connaissait cet artiste exceptionnel !
C.L : Puis nous nous sommes dit qu’il fallait poursuivre cette initiative. Nous avons donc contacté Madame Delerue pour rendre hommage à Georges Delerue à l’occasion de la deuxième édition…
D’autant que le compositeur a vécu à Soisy…
Colette Delerue : En effet, Georges a toujours travaillé dans la maison de Soisy avant de partir s’installer aux États-Unis.
C.L : Il était évident pour nous de lui rendre hommage. Nous avons réfléchi à la manière de s’y prendre, et avec Laurence nous nous sommes lancé en appelant Colette. Elle est aujourd’hui notre marraine et nous travaillons ensemble pour chaque édition.
Il est assez rare pour un tel évènement d’être financé à 100% par une commune…
C.L : En effet. Soisy est une ville qui a toujours soutenu et accompagné les initiatives musicales, que ce soit la musique classique ou le jazz. Le fait que le cinéma soit accessible à tous, même auprès des enfants avec les films pour la jeunesse, participe à faire connaître cette musique. Je pense que la musique de film manquait. Il fallait la faire connaître à tous, la mettre en avant en faisant connaître ses compositeurs.
D’où vous est venu cet intérêt pour la musique de film ?
C.L : Cela vient de mon fils qui est un passionné de musique, et qui m’avait offert des CD. Mais contrairement à mes deux camarades, je ne suis pas une grande cinéphile. J’écoutais la musique de film comme on écoute un concert de grande musique. Puis, plus on écoute, plus on découvre, et c’est ainsi que la passion a commencé.
C.D : Et dans la mesure où vous lanciez un festival, il fallait connaître la musique des compositeurs.
C.L : Ecouter la musique ne suffisait pas. Colette nous a beaucoup aidé pour nous faire rencontrer des compositeurs. Il fallait aussi s’entendre avec l’artiste pour pouvoir monter le projet ensemble.
Justement, quels sont les critères dans vos choix de compositeurs ? Pour l’instant, il s’agit exclusivement de grands noms ?
C.L : Il faut que les musiques parlent au public.
L.G : C’est aussi une façon de convaincre les personnes de venir nous rejoindre. On ne pouvait pas se permettre de présenter un jeune compositeur inconnu pour lancer le Festival.
C.L : C’est vrai que nous avons commencé en mettant la barre très haute, car il fallait se lancer, et nous continuons à la mettre très haute.
L.G : Le festival est encore jeune, mais peut-être qu’à l’avenir, nous pourrons nous permettre des paris plus risqués.
C.L : En effet, pourquoi ne pas inviter un jeune compositeur pour venir jouer quelques morceaux auprès de l’invité principal, sous la forme d’un parrainage. Ce ne sont pas les idées qui manquent !
Bruno Coulais a marqué cette année une transition, car contrairement à Delerue, Duhamel, Lai… il est en pleine actualité. Avec lui, nous n’étions plus seulement tourné vers le passé et le patrimoine.
C.L : Sa musique est moderne et très actuelle. Elle plaît beaucoup aux jeunes. La musique de film est vraiment accessible à tout le monde grâce aux films. Il faut le faire savoir. C’est une volonté de transmission. On a aussi fait appel à des spécialistes pour faire découvrir le travail du compositeur. En tant qu’adjointe au maire, pour faire durer ce festival, il nous fallait un but précis, et pour moi le but est de transmettre aux générations futures. Il y a beaucoup de participants à la rencontre menée par Stéphane Lerouge ainsi qu’aux ateliers animés par Benoit Basirico et Bruno Douchet
Concernant la fréquence du festival, pourquoi le concert a t-il lieu tous les deux ans et non pas annuellement ?
L.G : Le concert est en effet tous les deux ans mais les interventions pédagogiques ont lieu tous les ans, il y a ainsi une continuité. Mais organiser un concert tous les ans, ce ne serait pas possible, ce serait trop court. Cela demande une longue préparation. Nous contactons le compositeur deux ans avant la date du concert pour un premier contact.
C.D : C’est nécessaire pour un compositeur de prévoir un concert deux ans à l’avance pour qu’il puisse gérer ses agendas compliqués et faire des arrangements de ses morceaux s’il le souhaite.
C.L : Et malgré cela, aujourd’hui le festival est attendu, au bout de seulement cinq éditions. Ce concert tous les deux ans crée l’événement, il ne s’est pas banalisé.
Face à la hausse de fréquentation, les infrastructures de la commune sont-elles adaptées ?
C.L : C’est toujours complet. Si on veut se développer, il faudra que l’on trouve des infrastructures plus grandes. Nous sommes aussi au sein d’une communauté d’agglomération (la CAVAM). Nous devons nous associer à des villes qui ont un public et des infrastructures. Nous avons commencé avec la ville de Saint-Gratien et le cinéma les toiles. Nous nous associons déjà avec la CAVAM pour des projections de films en 3D sur l’hippodrome d’Enghien-Soisy qui ont lieu chaque année au mois de septembre . Mais il est évident que le festival restera toujours Soiséen.
L.G : D’autant qu’il n’y a pas de salles de concert à Soisy. Le concert a lieu dans une église. Mais en même temps, je trouve que cette église provoque des choses qui n’auraient pas pu se passer dans un autre cadre.
C.L : C’est vrai, on ne retrouverait pas cette chaleur, cette proximité, dans un autre lieu.
L.G : Un peu comme la salle conviviale de l’Orangerie qui crée un lien très proche avec le public.
C.L : On l’a vu avec Bruno Coulais lors du concert cette année. Ce côté informel et spontané est chaleureux, cela a plu au public.
L.G : On est un peu entre amis…
Comment s’organise le travail sur les concerts avec les compositeurs ?
C.L : Nous commençons par présenter le lieu aux compositeurs pour qu’ils prennent connaissance de ses contraintes. A partir de là, ils ont carte blanche, ils décident de tout.
Colette, votre travail de faire perdurer l’œuvre de Georges Delerue trouve une résonance avec ce Festival… Pour la seconde édition, il s’agissait de rendre hommage à Georges. Mais pour la suite, qu’est-ce qui vous a donné envie de poursuivre l’aventure auprès de l’équipe du festival ?
C.D : C’est une histoire de rencontre, nous nous sommes toutes bien entendues. Aussi, au départ, c’était tellement dur pour elles, que je me disais qu’il fallait faire quelque chose. Elles étaient deux à fournir des efforts, alors il fallait les soutenir. Ce qui m’a aussi intéressé, en plus de la rencontre, c’est l’idée d’ouvrir une fenêtre aux personnes qui ne connaissent pas ces musiques de films.
Justement, comment parvient-on à transmettre ces musiques de films ?
C.D : Le festival a commencé tout petit, c’est ensuite le bouche à oreille qui a marché. C’est aussi la persévérance et la communication, et surtout toute l’énergie de l’équipe du service de la Culture de Soisy.
L.G : Nous n’y serions jamais arrivé sans le soutien enthousiaste dès le départ de l’UCMF avec Gréco Casadesus, Patrick Glâtre de la mission Image et Cinéma du Conseil Général du Val d’Oise, Alain Mélia du Grand Cercle ou Cinezik.fr, partenaire depuis 2007, notamment.
Pourquoi n’y a t-il pas d’extraits de films projetés lors des concerts ?
C.L : Il y a une question de droits, tout cela a un coût. On peut l’envisager dans un développement du festival, mais cela n’est pas indispensable. Bruno n’aime pas trop cela par exemple, il préfère axer l’attention essentiellement sur la musique.
C.D : Il faut savoir oublier les films.
Colette, quelle est l’actualité de Georges Delerue ?
C.D : J’essaie qu’il soit toujours d’actualité. Un disque est prévu chez Music Box Records réunissant ses musiques pour la télévision, ainsi que des concerts à Los Angeles où il est toujours très apprécié.
Pourquoi avoir préservé au fil des ans une entrée libre pour les concerts et rencontres ?
C.L : Si nous voulions que ce soit accessible à tous musicalement, il fallait aussi que ce soit accessible à tout public par la gratuité. C’est un choix politique.
Pouvez-vous nous dire qui sera le prochain compositeur à l’honneur à Soisy ?
C.L : Le Festival mettra à l’honneur le compositeur Jean-Claude Petit et nous avons hâte de le recevoir à Soisy !
Propos recueillis par Benoit Basirico
Avec le concours de Laurence Guyot