INTERVIEW REALISATEUR : Fabrice Cazeneuve travaille avec Michel Portal à la télévision

11/02/2011 à 00h02

Fabrice Cazeneuve est un réalisateur français de téléfilms pour France 3 (« L’Affaire Sacha Guitry »), France 2 (« Nos vies rêvées ») , mais aussi M6, TF1 et Arte. Il a travaillé pour la musique de ses films avec Michel Portal. Il est membre du collectif 25images. 

 

Pouvez-vous nous présenter « 25 images » ?

Fabrice Cazeneuve : 25 images est une association de réalisateurs de télévision créée pour répondre à des inquiétudes de réalisateurs qui se sentent assez isolés, car les chaines de télévisions préfèrent parler avec les producteurs et les scénaristes, ces derniers s’étant d’ailleurs mobilisés pour cela, au détriment des réalisateurs qui se sont trouvés devenir la dernière roue du carrosse.

Une partie de la production télévisuelle est très organisée et le réalisateur est considéré comme un technicien en charge d’une mission, certes importante, mais différente de celle des scénaristes qui est de vendre des bonnes idées aux producteurs.

Quelle est la considération de la musique chez les réalisateurs de télé ?

Je ne peux parler que pour moi. J’aime la musique, je regrette même de ne pas en avoir fait. Et j’ai rencontré Michel Portal en 82, dans un café avant de lui projeter un film que je faisais, en espérant qu’il voudrait le faire. Il m’avait dit qu’il imaginait du Schubert sur ces images qu’il venait de voir. Au final, je l’ai convaincu, il a fait ce premier film, et tous mes suivants. J’ai du en faire 25 avec lui. C’est une longue collaboration d’amitié. C’est un musicien professionnel, c’est un improvisateur magnifique, ce n’est pas tant l’écriture qu’il connait, mais c’est dans le « work in progress » que cela se passe. Je suis allé vers lui car je connaissais son travail dans le jazz, mais aussi déjà celui pour le cinéma, sur « De la belle ouvrage » (1969) de Maurice Failevic, film qui se passait à la campagne, et il y avait comme des sons qui sortaient de la terre, c’était très inventif.

Pour vous, quel rôle joue la musique dans les films ?

Pour moi, ce n’est surtout pas d’être dans le pléonasme, de souligner les effets dramatiques, mais un rôle de contrepoint, de donner une autre profondeur, comme un écho lointain et profond, sans être démonstratif, cela peut marcher de manière poétique dans le film.

Y a t-il eu de la musique et des compositeurs imposés par la production ?

J’ai toujours pu avoir une certaine liberté artistique, pour la musique et pour le casting. Je n’ai pas souffert de diktats en contradiction avec ce que je souhaitais.

C’est une exception, ou cela est fréquent ?

Je sais que certains s’en plaignent, mais je suis dans une marge dite « d’auteur », et de fait je réclame une certaine indépendance.

Il y a certains films dont les chaines ont peur, pour le sujet, et ils essaient de se rassurer par la musique, comme pour adoucir. Cela m’est arrivé une fois, et j’ai halluciné. C’était un film dont Michel Portal avait fait la musique, un peu en décalage par rapport à l’action. Mais puisque la production avait peur, elle voulait des sortes de « jingles » pour souligner et que l’on comprenne bien les situations. J’ai refusé évidemment.

A l’inverse, j’ai fait un film il y a deux ans, « Seule », sur les suicides dans les entreprises, et pour la première fois je n’ai pas mis de musique dans le film, car il la rejetait. Il y a juste un générique de fin avec une musique de Manuel Peskine, qui était mon professeur de piano. Ces quelques notes étaient là comme pour donner un écho rétrospectif, et pour accentuer le fait qu’il n’y avait pas de musique jusque là. Ce choix a surpris le producteur, car en général, à la télévision, il y a trop de musique. Ne pas en mettre est presque interdit, car elle divertit. Ce qui n’est pas le cas au cinéma.

Qu’en est-il des génériques coupés ? 

Cela est un vrai problème. Les chaînes coupent les génériques ou les accélèrent et il est impossible de lire le moindre nom. Pour tout ceux qui travaillent, c’est scandaleux. Concernant Michel Portal, dans mes films, il est souvent en générique début, donc on ne le rate pas. Mais c’est aussi un code de la télé. Parfois, j’aimerais faire débuter mes films aussitôt sans générique, mais cela pose des problèmes de contrat, avec les acteurs. Il y a de manière générale, trop de règles à la télévision.

La télévision française donne l’impression d’être coupée du monde du cinéma, il y a peu de pont, peu de compositeurs passent de l’un à l’autre…

Effectivement, en France, c’est ancré, et cela vient de la Nouvelle Vague, il y a de la part du cinéma un mépris radical pour la télévision. C’est très clivé. Certains cinéastes font le pas, car c’est plus intéressant de toucher 5 millions de téléspectateurs, que faire 35 mille entrées. Mais l’inverse est plus aléatoire. Mais il y a des bons ou mauvais films partout. J’aborde un film comme un film, avec le formatage télévisé en plus.

Pour revenir à 25images, pensez-vous que l’association a des missions qui rejoignent celles de l’UCMF pour les compositeurs ? 

Il y a des associations dans tous les corps de métier, également pour les monteurs (‘Les monteurs associés »), on parle tous de la même chose, de la fabrication du film, chacun avec des problèmes spécifiques, donc plus on s’en parle, mieux c’est.

Propos recueillis par Benoit Basirico