Interview de Christian Gaubert compositeur / arrangeur
15/09/2011 à 18h09Tout commence en 1967 par sa rencontre avec Francis Lai, pour lequel il collabore sur de nombreuses musiques de film (« Love Story », Oscar Best score), et de nombreux films de Claude Lelouch. Comme compositeur, il écrit la musique des nombreux films, dont « La petite fille au bout du chemin », « une jeune fille cousue de fil blanc », « Le démon dans l’île » (Prix du festival d’Avoriaz ») et pour la télévision la série Nestor Burma (Sept d’or) et de nombreux téléfilms.
UCMF : Quelle est ta formation ?
Christian Gaubert : Je suis originaire de Marseille. J’ai découvert le piano, par hasard, quand j’avais 5 ans.
Etant dispensé de sport, à cause de mon asthme, j’avais pris l’habitude d’aller découvrir la musique grâce au piano qui était dans la classe de musique qui était libre à ces moments là. Le professeur découvrant que je jouais sans enseignant,demanda à ma mère de me donner des cours, celle-ci n’en ayant pas les moyens, cette merveilleuse enseignante m’ a donné gratuitement mes premières leçons . Ensuite à l’âge de 8-9 ans j’ai fait le conservatoire. A l’âge de 12 ans j’ai joué dans un restaurant, des airs à la mode, et c’est comme ça que j’ai commencé à gagner ma vie avec la musique. A 15 ans j’ai joué dans un orchestre de bal, puis j’ai monté le mien, avec des copains du conservatoire, ainsi qu’un big band, puis un trio de jazz. Enfin, je suis venu à Paris, à 21 ans.
Comment es-tu venu à la composition ?
Pour moi, il y a toujours une part d’improvisation dans la composition. Quand je suis au piano pour créer une musique, cette création est aussi spontanée que l’improvisation. Après ce premier stade, le « travail »de compositeur est d’harmoniser l’ensemble de cette création. J’ai toujours chanté des mélodies en m’accompagnant au piano, cela m’a amené à composer des chansons. J’ai fait ma première composition à l’image, en m’inspirant de chaque scène de la « Passion du Christ» dans un livre.
Je veux reculer le plus possible le stade de l’écriture de la musique, jusqu’au moment où je dois la faire interpréter. Pour moi, elle doit rester à l’intérieur du musicien, et évoluer naturellement, jusqu’à un stade ou je considère celle-ci comme « aboutie »
Pour les chansons sur lesquelles tu as travaillé, comment as-tu collaboré avec les chanteurs ?
J’ai été l’arrangeur d’Aznavour, puisque c’était Aznavour et Garvarentz qui composaient les musiques. Moi, je réalisais les albums, en m’occupant de la partie orchestrale. J’ai composé des chansons, pour moi, puisque j’ai fait 2 albums et 2 45 tours chez TREMA. J’ai composé pour des chanteuses Nicole Croisille, Mireille Mathieu, Céline Dion, Fabienne Thibault, une seule chanson pour Johnny Hallyday, avec Jean-Jacques Debout qui a écrit le texte. J’ai fait aussi 2 albums pour Jean-Marc Cerrone, les textes étaient écrits par des auteurs anglais. J’ai également fait un bel album de tango pour Guy Marchand, avec lequel j’ai eu une collaboration privilégiée. J’écrivais les musiques, et lui, les textes. J’ai également arrangé une chanson pour Serge Gainsbourg et Eddy Mitchell « Vieille canaille » .
Comment es-tu venu à travailler pour le cinéma ?
J’ai rencontré Francis Lai, grâce à un arrangement écrit pour Mireille Mathieu sur la chanson de « Un homme et une femme »,que j’avais traité en bossa nova. Il avait beaucoup apprécié mon travail, notre collaboration a commencé comme ça. C’était mon idée de faire de la musique de film, c’est la raison pour laquelle ma rencontre avec Francis a été de bon augure. Nous avons fait une cinquantaine de films ensemble. Il composait les thèmes, et moi je les arrangeais. J’ai ensuite écrit le score de la musique du film « Love story » qui a été récompensé par un oscar à Hollywood.
Francis est un grand mélodiste, et sa confiance en ma capacité à donner forme à toute sa création, lui donnait une liberté totale. On était totalement complémentaires. Je devais adapter ses musiques jouées à l’accordéon, qui est son instrument, aux instruments de l’orchestre pour lequel j’écrivais.
Ceci dit, il a fait un énorme succès avec « Bilitis » qui n’a pas été arrangé par moi. Ce n’était que des synthés mais il aimait bien ça également. C’est à cette période que nous avons cessé de travailler ensemble, car j’avais l’impression de toujours faire la même chose. On a donc fait un « break ». Et on s’est toujours retrouvé avec plaisir. Je n’étais pas toujours mentionné au générique des disques ou des films. J’étais un peu frustré, mais l’important pour moi, c’était de « faire » et on a fait énormément. C’est ça être musicien : tout pour la musique. Avec Francis, parfois on allait à l’église de la Sainte Trinité écouter Olivier Messiean qui improvisait à l’orgue. C’était un univers à lui tout seul. Il fallait se lever de bonne heure.
Comment considères-tu aujourd’hui le métier d’arrangeur orchestrateur en France ?
D’abord, il y a une différence académique entre les deux mots. Un arrangement est une œuvre musicale écrite à partir d’un thème, et développer au piano par exemple. Tandis qu’une orchestration est une œuvre musicale développée et écrite pour les instruments de l’orchestre, dans les règles de l’art. Dans l’histoire de la musique, il y a eu des orchestrateurs géniaux, comme Ravel, qui, en plus de son talent de compositeur, orchestrait des œuvres d’autres compositeurs. Exemple, « Les tableaux d’une exposition » de Moussorgsky a été créé au piano, et Ravel en a fait une orchestration fabuleuse pour orchestre. Il y a de moins en moins d’orchestrateurs aujourd’hui, sauf aux Etats-Unis ou les productions musicales pour le cinéma utilisent souvent des orchestrateurs. IL faut dire que les scores des films américains sont tellement denses et fournis, qu’il faut bien un orchestrateur en plus du compositeur pour arriver à un travail « abouti »
En France, il y a eu un grand arrangeur orchestrateur qui nous a quitté récemment, Hubert Bougis. Il travaillait pour beaucoup de compositeurs, et en particulier pour Philippe Sarde.
Quelles sont les méthodes de travail que tu préfères adopter pour travailler sur une musique de film ?
Je n’ai malheureusement pas pu collaborer régulièrement et étroitement avec un réalisateur, comme l’a fait Francis, par exemple avec Claude Lelouch. Ils se sont connus très jeunes. Ceci dit, je préfèrerais lire d’abord le scénario d’un film, pour en tirer une idée musicale ou un thème, qui exprimerait mon ressenti du film. Mais je ne l’ai jamais fait. On l’appellerait le thème « générique » Ensuite dans un deuxième temps, on reprendrait ce thème qu’on orchestrerait différemment, en fonction de l’histoire. La musique doit apporter ou suggérer émotionnellement ce que l’image n’apporte pas. Et si je peux donner un conseil aux futurs compositeurs de musique de film, c’est d’essayer de trouver une osmose, une entente parfaite avec un réalisateur. Par le fait, un climat de confiance s’installera, et c’en ne sera que mieux.
Est-ce que tu tires une frustration quelconque, du fait de travailler pour un autre compositeur que toi ?
Non, car je m’investis totalement dans mon travail et dans la musique que l’on me donne à arranger. Je ne travaille pas pour moi, mais pour une œuvre composite qui doit apporter un plus aux images sur lesquelles l’on travaille. Je peux dire que je n’ai jamais travaillé « chichement ». Je ne garde jamais pour moi, jalousement, mes idées.
Pour quels compositeurs et réalisateurs as-tu aimé et préféré travailler ?
Indiscutablement pour Francis Lai, avec lequel, je l’ai déjà dit, nous avions une collaboration « parfaite » Nous nous comprenions à vue, nous n’avions pas besoin de rentrer dans des explications compliquées.
Il y a eu aussi Mort Schuman, qui était un homme exquis, adorable, et surtout un bon musicien. J’ai travaillé pour lui sur des chansons, mais aussi pour des films. « A nous les petites anglaises » par exemple, et pour une chanson qui s’appelait « Sorrow ». Pour Lelouch également, nous avons eu de très bons moments, même quand il me demandait d’écrire des arrangements à contre sens ou contre emploi, comme dans « Edith et Marcel » Exemple : Quand on voit Marcel Cerdan partir pour les Etats-Unis, Lelouch m’a demandé d’anticiper l’événement de sa mort sur le thème de « Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ». J’ai écrit, alors, une des partitions les plus tristes de ma carrière.
Je garde également un excellent souvenir de ma collaboration avec Nicolas Gessner, pour le film « La petite fille au bout du chemin ». J’ai aussi écrit la musique d’un film fantastique « Le démon dans l’île » de Francis Leroy, sélectionné au festival d’Avoriaz, musique encore plus dérangeante que le film lui-même. J’ai également travaillé pour la télévision, où j’ai composé la musique de la série « Nestor Burma » qui a obtenu un « sept d’or »
Quelles sont les méthodes de travail que tu préfères adopter pour travailler sur une musique de film ?
Je n’ai malheureusement pas pu collaborer régulièrement et étroitement avec un réalisateur, comme l’a fait Francis, par exemple avec Claude Lelouch. Ils se sont connus très jeunes. Ceci dit, je préfèrerais lire d’abord le scénario d’un film, pour en tirer une idée musicale ou un thème, qui exprimerait mon ressenti du film. Mais je ne l’ai jamais fait. On l’appellerait le thème « générique » Ensuite dans un deuxième temps, on reprendrait ce thème qu’on orchestrerait différemment, en fonction de l’histoire. La musique doit apporter ou suggérer émotionnellement ce que l’image n’apporte pas. Et si je peux donner un conseil aux futurs compositeurs de musique de film, c’est d’essayer de trouver une osmose, une entente parfaite avec un réalisateur. Par le fait, un climat de confiance s’installera, et c’en ne sera que mieux.
La fiche compositeur de Christian Gaubert